1er jour de captivité
Je n'aurais jamais cru un jour retourner à Poudlard. Je ne l'avais ni prévu, ni souhaité. Embrasser la carrière professorale ne m'avait jamais tenté et, même, me révulsait. J'avais eu toutes les peines du monde à supporter la proximité d'adolescents bourrés d'acné et d'hormones quand j'en étais moi même un alors maintenant? Non décidément, rien de tout cela ne m'arrangeait.
Au diable le Département de Justice Magique et leurs punitions riddicules. C'est eux et leur parodie de justice qui m'avaient obligé à prendre des mesures et à organiser des filatures clandestines. C'est eux qui avaient relâchés ces traitres, ces mangemorts en puissance et le sang qu'ils avaient sur les mains. Eux qui avaient emprisonnés ces monstres au lieu de laisser les Détraqueurs dévorer ce qu'il restait de leurs âmes.
On nous avait envoyer les chasser, les débusquer, les traquer... Et tout ça pour ça? Si j'avais su... Dans notre traque à l'époque, nous avions les pleins pouvoirs. La mort d'un Mangemort n'était rien. Je n'aimais pas cette justice à deux vitesses qui autorisait des procès à certains et pas à d'autres. J'avais participé à l'arrestation de Sirius Black, sa condamnation sans procès. J'avais vu cette lueur dans son regard. La même que celle que je voyais tous les jours dans le miroir. Cette étincelle de folie qui habite un homme à qui on a tout pris. Ce regard et le doute sinueux qu'il m'impose me poursuit depuis. Mais personne n'a voulu entendre mes interrogations.
Il me prenne pour un fou. Pourtant, ce sont eux les vrais fous. Fous de croire que tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes et que la lutte est finie. Fous de ne rien remettre en question.
17ème jour de captivité
Les jours s'écoulent et se ressemblent. Je me surprends parfois à me perdre dans mes souvenirs. Une autre époque, à la fois plus sombre et plus insouciante. Le monde était en plein bouleversement mais Poudlard offrait une bulle de calme que je n'avais pas su apprécier à sa juste valeur à l'époque. Si je m'entendais bien avec mes camarades de dortoir (les célèbres Maraudeurs), je n'avais jamais cherché à creuser plus loin nos relations. Il faut dire que les farces ne m'avaient jamais intéressé, je préférais travailler mes cours à la bibliothèque avec mon frère jumeau - il avait été réparti à Serdaigle. Et puis, peut être étais-je jaloux des facilités de mes camarades. Ils excellaient sans efforts apparent alors que je trimais pour un résultat équivalent voir moindre.
Je revoyais le sourire à mille watts de mon frère, ses rêves de botaniste et sa vaine tentative d'adopter un botruc. L'éclat dans les yeux de Dorcas quand j'avais enfin réussi à lui proposer un rendez vous... Mais repenser à eux me faisait mal. Tous ces souvenirs étaient maintenant amers. Teintés de deuil et de désespoir.
Faire le bilan de ma promotion n'avait rien d'encourageant. A la fin de mes études, j'avais passé trois ans à me former en tant qu'Auror. Obtenant les notes maximales, j'avais rapidement rejoint la lutte déjà en place contre les Mangemorts. Certains de mes anciens camarades de classe avaient rejoint leurs rangs. Severus Rogue notamment que j'avais du mal à lâcher du regard tandis que je devais partager ses repas dans la Grande Salle. Les Potter s'étaient mariés et chacun connaissait leur sort funeste. Pettigrow était mort, Black emprisonné et Lupin... Je ne savais ce qu'il était devenu.
Dorcas avait été la première de mes amies à mourir. De la main de Voldemort lui même. Mon coeur ne s'en était jamais totalement remis. Elle était la seule avec qui j'aurais pu construire quelque chose de durable. La seule qui aurait pu être plus importante que ma mission. Elle a été ma première blessure, mon premier déchirement.
Le suivant est intervenu le 23 décembre 1980. Mon frère avait épousé une moldue et leur enfant devait naître d'ici quelques mois. J'étais maintenant un Auror en activité, protégé de Maugrey Fol'Oeil et l'accompagnant dans sa lutte contre les Mangemorts. Mon nom se répandait petit à petit parmi les Mangemorts et, bien vite, la situation de mon frère parvint à leurs oreilles. Jamais je ne pourrais me pardonner de ne pas l'avoir mieux protégé. Jamais. La vision de la marque flottant au dessus de leur petite maison peuple encore mes cauchemars. Fol Oeil avait tenté de m'empêcher d'entrer mais je ne l'avais pas écouté. Il fallait que je sois sure, que je vois ce qu'ils leur avaient fait. La réponse me brisa purement et simplement. Ils avaient été torturés à mort. Je reconnaissais sans mal les vestiges du Doloris dans leurs visages crispés. En un hurlement venant du fond de mes entrailles, ce qu'il me restait de naïveté est mort tout comme une bonne partie de ma sanité d'esprit. C'était également la période que choisi le Ministre pour nous autoriser l'usage des Impardonnables lors de notre traque. J'ai fini par les maîtriser aussi bien que ceux que je traquais. Toutes ses années avec pour objectifs d'en capturer le plus possible, morts ou vifs, ne m'avait pas laisser le temps de faire mon deuil.
Le poids du chagrin était réellement tombé quand les procès avaient commencés. Après la chute de Voldemort et la débandade de ses petits fidèles. Les acquittements de certains que je savais pertinemment coupables m'ont rendus fou. Je les ai suivi, notant leurs faits et gestes dans un carnet, négligeant certaines affaires en cours devenues moins importantes. Et j'ai pu fonctionner comme cela quelques années. Ils avaient tout découvert cet été quand un de mes collègues avait fouiné dans mon bureau et trouvé mon carnet. Traitre.
Sans cela je ne serais pas là à errer, morose, intoxiqué par la candeur et l'innocence étouffante de tous ces adolescents.
56ème jour de captivité
Je me perds dans la contemplation du feu de cheminée tandis qu'un corps de femme ensommeillé s'agite à mes côtés. Je me frotte les tempes dans un geste maladroit, tâchant d'effacer les divers excès de la veille. Je me souvenais être venue à la Tête de Sanglier pour boire un verre. La journée avait été longue. Mes élèves étaient bien trop candides pour leur propre bien. Les plus jeunes d'entre eux ne se rappelait rien des horreurs de la guerre. Je m'inquiétais pour eux et je préférais masquer ce sentiment malvenu en étant sévère voire injuste à leur égard. Ils devaient apprendre que le monde ne récompensait pas toujours les bons et vertueux.
Je m'étais donc perdu dans le bourbon jusqu'à ce que cette magnifique jeune femme vienne m'aborder. Mon visage était connu. Un héro de guerre au passé tragique. C'était vendeur pour le Gazette du Sorcier et de la propagande gratuite pour le Ministère. On connaissait mon nom, le bilan de mes arrestations, ma collaboration avec Fol'Oeil. Cette même popularité qui avait coûté la vie à mon frère. Alors j'avais fini mon verre et j'en avais commandé un nouveau, puis un autre...
Le reste de la soirée n'était plus qu'un tas d'images et de sensations éparses. Attrapant ma robe de sorcier, il ne me reste qu'à quitter la pièce pour régler la chambre et retourner à mes activités professorales. Une autre journée de guigne s'annonçait.